Parole de Partenaire du Cercle : Agora 41

7 mai 2024
Interview de Philippe Lavault, Secrétaire général de l’Agora 41 - Propos recueillis en février 2024

Pourquoi l’Agora 41 est-elle à nouveau partenaire du Cercle de la Donnée pour produire cette étude consacrée à l’empreinte de la Donnée sur le vivant ?

 

 Philippe Lavault : La proposition du Cercle d’associer l’Agora 41 à cette nouvelle étude, après celle dédiée à la souveraineté numérique en 2022[1], nous a semblé totalement cohérente et assez enthousiasmante. En effet, la dimension sanitaire et environnementale de la donnée est encore peu traitée. Prendre part à cette étude nous paraissait cohérent avec l’essence même de l’Agora 41 qui est un espace de réflexion libre et pluridisciplinaire ayant pour objectif de faire sortir les problématiques « cyber » du milieu des ingénieurs.

 

Par ailleurs, cette réflexion sur l’empreinte de la donnée sur le vivant faisait écho d’une certaine manière, au groupe de travail de l’Agora 41 dédié au Cyber-moi, et dans lequel nous nous interrogeons sur un enjeu majeur pour notre civilisation : comment faire pour que le numérique ne prenne pas le pas sur l’homme ? Comment prendre en compte tous les inputs que peut avoir l’utilisation de la donnée sur l’être humain et ce qui l’entoure ?

On assiste depuis quelques années à un changement radical de civilisation : sans le numérique aujourd’hui, l’homme privé de son smartphone se retrouve comme Robinson Crusoé : totalement perdu !

Les conséquences en termes d’enfermement psychique, de sédentarité, d’isolement social sont bien tangibles et commencent à alerter les autorités. Il est donc urgent d’agir, de reprendre le contrôle, de faire en sorte de vivre en cohérence avec le numérique et non pas de se laisser dicter notre façon d’être par le numérique. Ma conviction est qu’il convient de réfléchir, de réglementer, de sensibiliser et de convaincre. Il me semble que la meilleure façon de répondre au problème passe par l’éducation et celle des plus jeunes en priorité !

Mais il faut avoir conscience que cela prendra du temps pour avoir une réflexion aboutie autour d’un sujet sur lequel nous n’avons aujourd’hui que peu de recul. Le citoyen a quant à lui besoin de temps long pour comprendre et intégrer le changement de civilisation auquel il est confronté.

Justement, comment peut-on conjuguer le temps long et les impératifs d’une société et d’une organisation politique axées sur le temps court ?

Philippe Lavault : Effectivement, la société de l’immédiateté et l’organisation politique de notre pays aujourd’hui ne permettent pas une réelle réflexion prospective sur le numérique.

Or, dès lors qu’il modifie profondément la vie des citoyens, le cyber devient politique et à ce titre, il devrait s’intégrer dans l’appareil d’État. Le fait qu’il soit uniquement présent à travers un Secrétariat d’État au numérique rattaché à un ministère ne suffit pas. On l’a bien vu ces dernières années, ce Secrétariat d’État s’est montré volatile, a été déplacé de ministère en ministère et a vu sa lettre de mission évoluer au gré des remaniements. Je ne peux que continuer à appeler de mes vœux la création d’un Secrétariat Général dédié au cyberespace, directement rattaché au Premier Ministre et qui serait le régulateur de l’action de l’État dans le numérique. Cette idée nous est venue en faisant le parallèle entre l’espace maritime et le cyberespace. Parce qu’il a été considéré comme un espace à part, l’espace maritime a été doté d’un Secrétariat Général à la Mer, rattaché au Premier Ministre. De la même façon, l’espace numérique, loin d’être virtuel, est un espace réel, qu’il convient de réguler. La création d’un tel organe pour le cyber permettrait d’avoir une vision transverse, de s’inscrire dans le temps long. Il serait notamment en charge de l’éducation des plus jeunes, en partenariat avec l’Éducation Nationale, pour leur faire comprendre ce qu’est la donnée et quels en sont les dangers. La sensibilisation du grand public sur l’utilisation de la donnée et la compréhension par le citoyen de son impact sur le vivant pourrait également faire partie de ses missions.

En parallèle, je suis convaincu que le rôle des cercles de réflexion comme l’Agora 41 ou le Cercle de la Donnée est fondamental et qu’ils peuvent contribuer à leur manière, à une prise de hauteur essentielle pour accompagner ces bouleversements.

J’ajouterai que la prise en compte d’une réelle politique publique du numérique, pour être efficace, devrait se faire au niveau européen, voire mondial… mais on en est encore loin, tant la conception de la donnée diffère d’un État à l’autre !

[1] Souverainté numérique : Essai pour une reconquête – Etude du Cercle de la Donnée et de l’Agora 41 – Janvier 2022

 

EN SAVOIR PLUS SUR l’AGORA 41

Compte tenu de l’impact et des conséquences – effectives ou prévisionnelles – de la transformation numérique sur nos sociétés, c’est tout un écosystème, composé d’acteurs de la sécurité numérique mais aussi issus de l’ensemble de la société civile, qui se transforme et s’organise. Pour accompagner cette nouvelle dynamique, et répondre aux enjeux partagés par tous, il convient désormais d’aller plus loin pour favoriser les conditions d’un dialogue renforcé entre l’agence et des représentants de la société civile et de nos institutions.

C’est pourquoi l’ANSSI, autorité nationale en matière de cybersécurité et de cyberdéfense, reconnue dans son écosystème pour son expertise et son expérience, a lancé l’Agora 41. Cet espace de réflexion réunit 41 personnalités (chercheurs, universitaires, dirigeants, cadres, étudiants, etc.), que les enjeux de transformation numérique interpellent et mobilisent.

 

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