Le cloud de confiance va-t-il supplanter le cloud souverain ?

20 mars 2023
Alors que la France et plus généralement l’Europe voudraient accéder à la souveraineté numérique et gagner en indépendance dans le cyberespace, cette volonté se heurte notamment à la puissance économique et industrielle des GAFAM, et aux réticences du gouvernement américain.

Alors que la France et plus généralement l’Europe voudraient accéder à la souveraineté numérique et gagner en indépendance dans le cyberespace, cette volonté se heurte notamment à la puissance économique et industrielle des GAFAM, et aux réticences du gouvernement américain.

Souhaitant atteindre la résilience et l’autonomie d’ici à 2030, les États membres de l’Union Européenne définissent leurs politiques numériques en fonction des objectifs fixés par le Parlement Européen, les États membres et la Commission le 9 janvier 2023. Ces objectifs se retrouvent dans quatre domaines : les compétences numériques, les infrastructures numériques, la transition numérique des entreprises et les services publics en ligne.

Des « efforts en matière de souveraineté numérique qui sont scrutés de près par les décideurs américains. » comme l’explique la chercheuse Mathilde Velliet dans une note de l’IFRI datée du 31 janvier 2021 (référencée dans la veille du 27 janvier au 2 février 2021), avant d’ajouter que « ces derniers considèrent souvent les initiatives européennes comme protectionnistes et ciblant injustement les entreprises américaines ».

Malgré la bonne volonté affichée par le Gouvernement Biden dans les négociations d’un nouveau cadre pour la libre circulation des données personnelles entre les États-Unis et le vieux continent, des incertitudes demeurent. Après que la Cour de Justice de l’Union Européenne a considéré que le bouclier de protection des données (Privacy Shield) ne constituait pas une garantie juridique suffisante pour transmettre des données personnelles outre-Atlantique, la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen et le chef d’État américain se sont rencontrés afin de se doter d’un nouveau cadre, plus protecteur. Mais l’accord annoncé à l’automne ne semble pas tenir toutes ses promesses et des garanties supplémentaires sont attendues du côté américain afin d’atteindre le niveau d’exigences souhaité par l’Europe.

 

L’attractivité des plateformes cloud de Google, de Amazon et de Microsoft, pour ne citer qu’elles, est en grande partie due à la maturité technique qu’elles ont atteinte, à la qualité des services qu’elles proposent et à la compétitivité de leurs offres. Face à cela, l’Europe devrait se doter de mesures pour encourager et soutenir les solutions proposées par des acteurs nationaux et européens de taille plus modeste.

Bien qu’à ce jour, il soit encore quasi impossible de prétendre à des plateformes numériques intégralement souveraines, l’atteinte d’une certaine autonomie est toutefois possible en utilisant des briques de logiciels de renom hébergées sur le territoire national ou européen, et opérées par des acteurs de confiance. C’est ce qu’ont bien compris Orange et Capgemini qui ont annoncé le projet de création d’une nouvelle entreprise « Bleu » qui se destinait à fournir un « cloud de confiance » en partenariat avec Microsoft d’ici fin 2022, mais a été reporté à l’horizon 2024. D’autres, à l’image de Thalès avec Google cloud platform et la création de S3NS leur emboitent le pas mais semblent garder un fort lien technique avec la composante américaine.

Face aux difficultés à s’affranchir de composantes étrangères, le terme « cloud souverain » est souvent remplacé par le terme « cloud de confiance » dans les offres commerciales. Mais comme le souligne l’Ingénieur de l’Armement Dominique Luzeaux, Directeur de l’Agence du Numérique de Défense, « La souveraineté relève de soi-même, alors que la confiance relève d’une relation de soi à l’autre. Les deux ne sont pas comparables ».

 

Il nous semble primordial de persévérer dans la quête d’un numérique souverain, plutôt que de se contenter d’un numérique « de confiance », qui n’offre pas les mêmes garanties d’indépendance ; en particulier lorsqu’il s’agit d’héberger des informations dont nous nous devons de  garder la maîtrise (informations d’importance vitale ou sensibles au sens de la réglementation). Démarche nettement plus ambitieuse, car elle implique de mobiliser des investissements européens, privés et peut-être même publics, mais n’oublions pas qu’il n’y a pas de secret derrière une réussite comme celle des États-Unis et de l’Asie en matière de puissance numérique : sont maîtres des lieux, ceux qui investissent !

Share This